Frontière albanaise-Dubrovnik
Dobar den
Quand faut y aller, faut y aller... Même après presque 3 chouettes semaines en compagnie de Johann et Cristel.
Passage de la frontière albanaise donc. Terrain hostile qu'on m'avait dit, dangereux même... Pour savoir, faut essayer, c'est aussi pour ça que je voulais passer par là.
Formalités vite réglées côté grec et côté albanais, j'entre donc en Albanie, et c'est directement différent que de l'autre côté, une troupe d'hommes me regardent passer, l'un d'entre eux s'avance vers moi avec une énorme liasse de billets le Leks en main et me demande si je veux changer des euros. Dents dorées, allure de tueur, c'est pas le genre de type à qui je ferais confiance et pourtant pas le choix, pas de ville importante sur mon chemin aujourd'hui pour trouver une banque pour changer de l'argent et il m'en faut un peu... Pas le choix donc, et je ne connais pas le taux... Donc confiance forcée. Je lui tend 30 euros et il dégage quelques billets de sa liasse en me disant son taux. Je recompte, ça a l'air correct. Quelques jours plus tard, je découvrirai qu'il m'a appliqué un meilleur taux que dans les banques, ça veut aussi dire que c'était sans doute pas de l'argent tout propre... Mais bon, à la guerre comme à la guerre... Après avoir rangé mes précieux leks, je me remets en selle et mon mafieux me souhaite un chaleureux "Welcome to Albania"... Tu l'as dit bouffi...
Sur la route, tous les gens croisés me regardent avec surprise mais finissent toujours par me saluer, seule une vipère au milieu de la route ne me saluera pas (celle qu'on a pas trouvé pendant les 4 derniers jours en Grèce, hein les lynx...).
L'entrée en Albanie, c'est aussi la découverte de centaines de bunkers abandonnés (il y en a eu 750000 en tout pour un pays de 3millions d'habitants), construits sous le régime dictatorial coco de Enver Hoxha qui avait coupé son pays du monde à partir de l'indépendance de 1946 jusqu'à la chute du régime communiste en 1991. Résultat d'un tel régime, des bunkers partout sur les frontières, en haut des montagnes et le long des côtes et des gens fuyant tant bien que mal le pays à la recherche de mieux. Ce qui explique en partie la diaspora albanaise dans le monde. Il y aurait, d'après ce que j'ai entendu, un tiers d'albanais vivant hors du pays, soit 3 millions dans le pays et un million répartis à l'étranger. Le pays est désormais ouvert au monde depuis une dizaine d'années mais il est encore plus facile d'y rentrer et en sortir pour un étranger qu'en sortir tout court pour un albanais... Parenthèse terminée.
Après 10km, une petite route part vers la droite et me permettrait d'éviter la principale en passant par des petits villages, ni une ni deux, je me lance... dans un col bien raide entre les 2 lacs Prespa. Plus de 12%, fini de pédaler, faut pousser sur 3km. J'arrie alors dans un petit bled en ruine mais habité et là, l'asphalte s'arrête tout simplement et le chemin se divise en 3 sentiers à peine roulables...
Je regarde autour de moi, 2 ânes, 3 vaches et un petit monsieur à qui je demande mon chemin. Il m'indique une des 3 branches et je décide de me lancer pour les 25km à faire sur ce chemin bucolique mais que j'aurais préféré faire en VTT plutôt qu'avec un vélo chargé de 30 kilos... Mais j'ai pas envie de faire demi tour et je me dis qu'au bout, je retrouverai la route... Le chemin est à la hauteur de mes craintes et empire kilomètre après kilomètre. Je me retrouve finalement à rouler sur un sentier de mules cabossé à souhait et rempli de cailloux énormes. Puis j'arrive sur un plateau dégagé et une petite plaine bien sympa s'étire devant moi pour environ 3km. Mais voilà, qui dit plaine dit moutons, qui dit moutons dit chiens et dans cette région vivent encore des ours et des loups... Les gentils toutous qui gardent les troupeaux ici sont à moitié sauvages, équipés à toutes fins utiles de colliers à clous et dressés à protéger et attaquer tout ce qui s'approche de leurs brebis... En l'occurence moi... Et ce qui devait arriver arriva, j'étais arrêté pour prendre une photo (d'une trace d'ours dans la terre) et j'entends des cloches de brebis, suivis d'aboiments... Et merde... Je redémarre aussi vite que possible mais les chihuahuas sont déjà en route vers moi... Juste le temps de m'arrêter, ramasser quelque (gros) cailloux et gueuler aux chiens qui sont maintenant autour de moi que je me laisserai pas faire. Il y en a 4 et m'entourent les crocs à l'air, la mine très aimable... (je fais pas le malin...). Là dessus, miracle, un berger sort d'un buisson et rappelle sa meute qui s'en va séance tenante. J'ai eu chaud... je demande pas mon reste et je file vers la descente qui m'attend vers le prochain village ou je retrouverai l'asphalte (après 400m de dénivelé négatif sur un mauvais chemin où je dois piler sur les freins pour pas prendre trop de vitesse et pas amocher le vélo). La fin de cette journée pleine d'émotion se terminera bien devant un plat de carpe grillée et d'une bonne bière Tirana dans un petit hotel sur le bords du lac Prespa indiqué par 3 jeunes croisés dans le dernier village avant le frontière de Macédoine. Pas mal comme avant gout du pays où je repasserai dans quelques jours.
Je passe donc en Macédoine dès le lendemain par un petit poste frontière perché sur une colinne,entouré de miradors et de bunkers abandonnés. Ambiance bizarre, questions sur mes bagages, drogue tout ça?? Non Mr, chocolat, biscuits, c'est puni? Non? alors bonne journée... Welcome to Macedonia!!
Au programme du jour un super col de 14km de grimpette pour 900m de dénivelé positif afin de passer du lac Prespa au lac Ohrid. Vue magique au sommet du col (Baba) et une descente de 14km de bonheur avec un stop en cours, histoire de refroidir les freins... (sans rire...). Le temps change et j'arrive à Ohrid sous la pluie et je rencontre un petit monsieur qui loue des chambres chez lui pour pas cher... Mieux que de planter la tente... A ce moment là, je ne le sais pas encore mais je vais passer 5 jours là, coincé par le temps merdique. Une journée de répit me donnera l'occasion de faire un tour dans la vieille ville et visiter la forteresse et les sites paléochrétiens découverts ici. Le dernier jour à Ohrid, je rencontre Fifi et Céline, deux français en route vers le sous continent indien qu'il voudraient rejoindre en octobre 2012 afin de participer à la marche non-violente pour la justice de Jan Satyagraha et supporter le mouvement des paysans sans terre (leur site est dans les liens). Ils arrivent après une grosse matinée de pluie et je les emmène à la guest house où je suis. On passe une partie de l'après midi et la soirée ensemble autour d'un bon repas simple à discuter et partager les infos pour la suite (je vais là d'où ils viennent et ils vont d'où je viens, en gros). Très chouette. Le lendemain, la météo est plus clémente et c'est en même temps que nous mettons les voiles chacuns de nos côtés. Dommage, ça aurait été sympa de partager un bout de route mais c'est comme ça.
Encore un jour de route en Macédoine le long d'une belle rivière et lac de barrage puis nuit à Debar, à côté d'un ancien cimetière où certaines tombes ont été éventrées par une route et où des ossements sont à même la rue... Glauque. La nuit sera écourtée par un contrôle de police à 5h du matin. Contrôle de passeport, proximité de la frontière albanaise... Je kiffe.
Et c'est reparti pour l'Albanie (Welcome to Albania, oui je connais merci...), à traverser dans la largeur par les montagnes. Entrée en beauté, sous les cailloux de quelques gamins à qui je ne désire pas donner d'argent... Charmants bambins... Ce sera le seul incident des quelques jours là bas mais dès les premiers km, ça met le moral au plus bas... Heureusement la suite ne sera qu'accueil, cafés offerts, sourires. Tout ça dans un langage mélant italien, allemand, anglais et mains... Je passe la première nuit dans un couvent où se trouvent 3 bonnes soeurs italiennes bien sympa qui m'invitent à dormir dans le dortoir servant pour les enfants quand elles reçoivent des stages. La seconde nuit sera dans le jardin d'une famille où la petite dame me fait comprendre que je peux planter la tente derrière chez eux au bord d'une belle rivière. Je passe la soirée avec eux, ils vivent en famille, grands parents, 2 fils, une belle fille et le petit Julio, le chouchou de la maison. Super gentils même si la communication n'est pas facile... J'aurai même au téléphone la soeur qui étudie l'anglais à Tirana, afin d'expliquer ce que je fais au milieu du pays seul et à vélo, ce qui leur semble assez bizarre...
Le dernier jour de route sera sympa aussi malgré une crevaison en plein col et un passage sur autoroute... Oui, ici, on peut... Un pain et du fromage offerts dans un magasin, un coca dans une station de bus, entouré de jeunes intrigués et une dernière nuit avant la frontière avec le Monténégro.
En quittant le pays j'ai des sentiments mitigés pour l'Albanie, les routes sont soit un vrai billard, soit UN nid de poule géant, la pauvreté est très marquée mais certains roulent dans des voitures clinquantes, le pays est superbe mais le système d'évacuation des déchets est à mon avis inexistant, ce qui donne lieu à des décharges à ciel ouvert à l'entrée et sortie de chaque bled mais aussi un peu partout dans la nature et les gens sont dans l'ensemble très accueillants et conscients de la mauvaise image que le pays trimballe et veulent montrer qu'il n'en est rien, et c'est vrai... Bon, à part les pierres...
Et c'est définitivement le pays des Mercedes... Vieilles ou très vieilles...
Je passe la frontière du Monténégro chargé de cerise albanaises offertes par une petite dame dans le dernier village, dernier cadeau du pays... Les premiers kilomètres au Monténégro se font sur une route en travaux, Welcome to Montenegro... Une petite pause avec des ouvriers (dont un qui parle anglais, appris en prison politique en Albanie) qui veulent me faire picoler à 10h du mat mais je leur fais comprendre que j'ai encore un peu de route... Changement de décor, côté albanais avant la frontière, c'était plat, juste après c'est directement la montagne, cool. Je bifurque vers la côté car l'autre côté est très nuageux et je me retrouve à Ulcinj, ville à majorité albanaise qui possède une vieille ville fortifiée en cours de rénovation à cause d'un tremblement de terre dans les années 70.
Encore 2 jours de routele long de la côte qui n'est pas plate du tout... Ca grimpe à 200m pour redescendre au niveau de la mer en moyenne 5 fois par jour, usant. Mais superbe.
Je me suis posé 4 jours à Kotor, petite ville fortifiée et ancienne rivale de Venise, construite dans un superbe fjord entouré de montagne culminant parfois à plus de 2000m. La ville est superbe, l'endroit magique, et les choses à faire suffisantes que pour rester un petit peu...
Au programme des 4 jours, visite de la ville et des fortifications, un jour de pluie, un guet à pintes avec Nemanja, un jeune monténégrin bien sympa rencontré en terrasse et finalement, l'ascension du col qui surplombe le fjord de Kotor, soit 25km de grimpette et 25 épingles pour un peu plus de 1000m de positif. Grandiose au sommet... Bref 4 journées bien remplies.
Mais les jours filent et je dois me remetrre en route afin d'être là pour le rendez vous avec mes parents et leurs amis Tony et Alex à Dubrovnik 2 jours plus tard, juste ce qu'il me faut pour y arriver.
Je quitte Kotor et passe la frontière Croate par un minuscule poste au bout d'un isthme (oulà allez voir au dico...) où les douaniers ont leur bureau dans des containers de bateau... Je laisse le Monténégro sous un orage et j'entre en Croatie sous le soleil mais l'orage finira par me rattraper et me bloquer dans un abribus pendant 2 heures de pluie torrentielle, Welcome to Croatia... Et puis après la pluie, le beau temps, j'arrive chez Marko, membre de warmshowers qui m'accueille chez lui dans son petit paradis à Mikulici. Il habite une petite maison dans un bled minuscule avec un terrain énorme en pente derrière chez lui, rempli de cyprès, cerisiers, et autres arbres du bush... Et où il joue au golf, juste pour le swing...
Marko est un personnage... A 17 ans il est parti de son pays avec des amis en barque à rames, direction l'italie afin de fuir le régime de Tito. En Italie, réfugié politique ( après quelques péripéties) il décide de tenter sa chance au Canada et s'en va outre Atlantique. Il y fera fortune en créant une société de peinture en batiment et d'autres investissements par la suite. Actif en politique et militant, il a rencontré Castro dans les années 70 et participé au financement de quelques actions à gauche et à droite (parfois obscures). Revenu sur son yacht vers la côte yougoslave, son bateau sera coulé par l'armée serbe pendant la guerre, ce qui le fera passer quelques jours sous les balles pour aller prendre des photos pour obtenir réparation des assurances par la suite... Il a maintenant 74 ans, vit dans un endroit modeste mais magnifique avec une superbe vue sur la mer et accueille pour un jour ou plus les gens de passage. Je passe une super soirée en sa compagnie à écouter ses histoires.
Le lendemain, 35km et je retrouve avec émotion mes parents et leurs amis à un point de vue sur la superbe Dubrovnik. Une semaine agréable motorisée avec eux le long de la côte croate. Ce sera pour le prochain article...
J'avance, j'avance, inexorablement...
A bientot.